Familles Rurales a adressé, ce mardi 7 juin, une lettre ouverte à la Première Ministre sur l’urgence climatique, économique et sociale. Le Mouvement demande l'ouverture d'Assises de l'Energie
Paris, le 7 juin 2022
Madame la Première Ministre,
Familles Rurales accueille favorablement l’ambition écologique affichée par votre gouvernement et la place centrale qu’y occupe la transition énergétique. Notre dernière étude intitulée « Réussir la transition énergétique : une urgence climatique, économique et sociale » consacrée à ce sujet au combien important démontre que ces changements certes nécessaires impacteront plus fortement les territoires ruraux. En effet, 1 logement sur 5 y a été construit avant 1919 (contre 1/10 en ville) ce qui induit généralement une moindre performance énergétique. De surcroît, près de 8 logements sur 10 y comptent 4 pièces ou plus contre seulement la moitié en zone urbaine. Ils sont mêmes 25 % à compter 6 pièces ou plus (contre 12 % en zone urbaine). Or la taille des logements impacte la facture d’énergie et influence également le montant des travaux de rénovation. Le coût de la transition énergétique y en sera donc mathématiquement plus élevé.
Partant de ces constats, un certain nombre de réformes déjà adoptées nous paraissent devoir être revues pour en permettre la soutenabilité et donc l’acceptabilité pour ces millions de ménages.
Citons à titre d’exemples :
- La fin du fioul : Insistons à titre liminaire sur le fait, qu’une fois encore, le milieu rural sera particulièrement exposé dans la mesure où 20% des logements en sont équipés contre 6% en urbain. De manière globale, si Familles Rurales ne peut que souscrire à la nécessité de réduire cette source de pollution incontestable, nous regrettons un problème de temporalité.
Dès le 1er juillet prochain, toute chaudière au fioul qui ne pourra être réparée nécessitera pour son détenteur un changement d’énergie. Certaines familles, même si elles sont aidées, ne pourront assumer le reste à charge de cette transition qui s’imposera à elles. Ces mêmes ménages auront de plus été particulièrement pénalisés par l’envolée des prix des carburants sur lesquels sont indexés ceux du fioul.
En effet, si les prix ont été contenus pour le gaz de ville et l’électricité, tel n’a pas été le cas pour les autres énergies et en particulier pour le fioul qui n’a bénéficié d’aucune mesure de bouclier tarifaire.
- S’agissant du gaz vert, les ressources offertes par nos territoires ruraux nous paraissent ne pas avoir été suffisamment exploitées. Aussi, si Familles Rurales soutient la fin des énergies fossiles, il nous paraît néanmoins contestable d’interdire les chaudières à gaz sans distinction dans les logements neufs et de supprimer les aides aux chaudières performantes lesquelles auraient pourtant pu exploiter cette énergie verte pour couvrir partiellement nos besoins.
- Enfin, amorcer un changement de mode de chauffe sans rénover préalablement et convenablement certaines passoires énergétiques n’empêchera pas l’énergie, quelle que soit son origine, de s’en échapper et donc de la dépenser inutilement.
Pour toutes ces raisons, Familles Rurales vous demande, Madame La Première Ministre, de prendre rapidement en considération l’urgence sociale qui demeure une dominante du développement durable également. Au-delà de garantir un « 0 reste à charge » pour les travaux de rénovation des ménages les plus en difficulté, Familles Rurales appelle votre gouvernement à organiser des assises de l’énergie permettant de repenser les politiques publiques en fonction, notamment, des ressources disponibles selon les territoires, de leur climat mais aussi de l’état des logements qui y ont été construits.
Le défi que nous devons collectivement relever devra tenir compte de la réalité du quotidien de nombreux français et les associer à ce challenge qui les concerne, seule condition d’une transition effective et réussie. A cette fin, je vous prie de prendre connaissance de notre étude visant à dresser un état des lieux de notre parc immobilier ainsi que des différents modes de chauffage ouverts aux consommateurs et de leur coût selon l’endroit où ils se trouvent. Ces stratégies ont été le fruit de politiques publiques passées, voire dépassées desquelles les consommateurs ne sont pas responsables, pourtant ils devraient désormais en assumer la charge.
Comptant sur votre action, je vous prie de croire, Madame la Première Ministre, à l’expression de ma haute considération.
Guylaine BROHAN
Présidente de la Fédération nationale Familles Rurales